Broadcom s'empare de VMware pour 61 milliards de dollars

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Acquisition de VMware par Broadcom : des DSI toujours plus inquiets

Par Laurent Delattre, publié le 17 avril 2023

Les différents retards et incertitudes engendrés par l’examen de l’acquisition de VMware par Broadcom par les autorités de régulation ne font qu’augmenter l’inquiétude des DSI face à l’avenir du logiciel qui anime la plupart des infrastructures IT des entreprises.

L’acquisition de VMware par Broadcom – pour le « significatif » montant de 61 milliards de dollars – est pour l’heure toujours soumise à l’accord des différentes autorités de régulation. Mais du côté américain, du côté anglais comme du côté européen, cette acquisition inquiète et les enquêtes s’enlisent. Engendrant des retards. Près d’un an après l’annonce du rachat, aucun dossier clé de validation n’a été bouclé. Au point que Broadcom et VMware ont désormais repoussé la finalisation du rachat à mai 2024.

Ça bloque du côté des autorités de contrôle

Du côté américain, la FTC ne semble pas très enthousiasmée par ce rachat. En février de cette année, un rapport de Capital Forum révélait que la FTC envisageait de nouvelles audiences d’investigation et s’inquiétait de voir les concurrents de Broadcom être moins bien supportés par VMware.

La semaine dernière, l’autorité britannique de la concurrence et des marchés (CMA) annonçait vouloir approfondir son enquête afin de vérifier si la nouvelle entité ne pourrait pas créer des « conditions de concurrence déloyales » sur le marché des serveurs. Elle s’inquiète notamment de l’impact qu’une telle fusion-acquisition aura sur le prix des serveurs et plus encore sur celui des équipements réseau.

Quelques jours après la CMA, la Commission européenne a également publié un communiqué pour indiquer qu’elle repoussait la date de sa décision finale au 21 juin 2023 (au lieu de la mi-mai comme précédemment annoncé) et présenter sa liste d’objections.

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Dans la lignée de la CMA britannique, l’Europe s’inquiète des conséquences d’un tel rapprochement sur le marché de la fourniture de cartes réseaux, de HBA FC et d’adaptateurs de stockage. « La Commission craint que Broadcom restreigne la concurrence sur les marchés mondiaux de la fourniture de HBA FC et d’adaptateurs de stockage, évinçant les composants matériels de ses concurrents en retardant ou en détériorant leur accès aux logiciels de virtualisation de serveurs de VMware » explique le communiqué. La Commission rappelle que Broadcom le premier fournisseur mondial de HBA FC. Broadcom est aussi un acteur du marché des SmartNIC. Or les dernières versions de VMware ont été réécrites pour justement confier une partie des tâches de l’hyperviseur aux cartes d’extensions et notamment aux adaptateurs SmartNIC. La Commission redoute de voir Broadcom contraindre VMware à innover uniquement sur ses adaptateurs réseau et stockage. Elle rappelle que le marché est déjà très concentré : « Si les concurrents de Broadcom n’ont plus la capacité de livrer concurrence sur ces marchés, il pourrait en résulter une hausse des prix, une baisse de la qualité et un ralentissement de l’innovation pour les clients professionnels et, en fin de compte, pour les consommateurs ».

Des DSI de plus en plus inquiets

Une nouvelle étude GlobalData publiée la semaine dernière montre que ces retards et les incertitudes entourant toujours ce rachat un an après son annonce ne font qu’accentuer un peu plus les inquiétudes de DSI déjà peu enthousiasmés. Ces derniers ont notamment peur que Broadcom augmente le prix des licences et qu’un tel rachat limite et ralentisse le rythme des innovations.

Pour GlobalData, l’une des conditions indispensables du succès à terme de ce rapprochement implique que Broadcom laisse VMware fonctionner de façon autonome et « maintienne le capital de la marque », selon Rajesh Muru, analyste principal chez GlobalData. Un constat peu surprenant à la vue du devenir des dernières emplettes de Broadcom, CA Technologies et Symantec, deux marques depuis jetées aux oubliettes de l’histoire informatique.

GlobalData évoque également les risques de position dominante de la nouvelle entité sur le marché des serveurs comme sur celui de la virtualisation qui comprend pour l’instant des acteurs comme Oracle, Amazon, Google, Huawei, IBM, Citrix, Nutanix et Microsoft. Dans le détail, le rapprochement entre un spécialiste de la virtualisation et un fabricant de semi-conducteurs, en particulier de cartes réseau, pourrait amener ce dernier à limiter l’interopérabilité de ses équipements avec d’autres logiciels de virtualisation.

Officiellement, Broadcom s’est toujours montrée favorable à un fonctionnement autonome de VMware. Et pour l’éditeur, la situation de VMware (leader de son marché) n’est pas comparable à celles de ses précédentes acquisitions (CA et Symantec) qui connaissaient de graves difficultés avant leur rachat.
Reste que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent comme dit le vieil adage français. Et Broadcom a déjà expliqué qu’elle ne pourrait pas fournir toutes les garanties réclamées notamment par la CMA.

Selon GobalData, en dehors de la virtualisation, l’impact de ce rachat devrait être beaucoup plus limité sur les autres activités des deux sociétés. « D’autres domaines des activités de Broadcom et VMware comme la cybersécurité seront, à notre avis, moins problématiques en raison des positions relatives sur le marché des deux acteurs et du chevauchement des portefeuilles », note Rajesh Muru.

Pour GlobalData, le deal n’a désormais plus qu’une chance sur deux d’aboutir. L’organisme note par ailleurs que l’incertitude latente autour de ce rachat pourrait remettre en cause les investissements des clients dans VMware et fragiliser l’éditeur surtout si, au final, le deal ne se fait pas.

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