Gouvernance

Renaulution Virtual Twin, une plateforme PLM au-delà de l’engineering

Par Alain Clapaud, publié le 22 août 2024

En 2021, Luca de Meo lançait le programme qui a conduit au redressement de Renault. Sur ce chemin, l’industriel a déployé six plateformes logicielles, les « backbones ». Celui dédié à la conception des véhicules est désormais accessible aux utilisateurs de nouveaux départements grâce au cloud.

Comme les autres constructeurs automobiles européens, Renault est confronté au défi de l’électrification des véhicules d’ici 2035. En parallèle, les voitures se transforment en « smartphones sur roues » avec une part du logiciel croissante. Enfin, l’arrivée d’une concurrence chinoise très agressive pousse le constructeur à booster sa rapidité à concevoir de nouveaux véhicules.

Un SI restructuré autour de six backbones logiciels

« Depuis 2021, nous avons fortement travaillé sur l’intégration de la chaîne de valeur du véhicule électrique, raconte Gilles Le Borgne, CTO du groupe Renault. Nous avons obtenu des avancées importantes sur la digitalisation des voitures et, en parallèle, sur celle de l’entreprise avec une réorganisation en cinq entités. »

Le SI du groupe a donc vu la constitution de six grands backbones IT à partir des solutions de Dassault Systèmes, Google, mais aussi SAP, Salesforce, Manhattan Associates et Tekion. Ils constituent désormais le système nerveux du groupe.

Pour Gilles Le Borgne, l’un des backbones les plus importants porte sur la partie amont, c’est-à-dire la création des voitures jusqu’à leur industrialisation. Baptisé RVT (Renaulution Virtual Twin), ce backbone est articulé autour de la plateforme PLM 3DExperience de Dassault Systèmes, et permet aujourd’hui au constructeur de négocier le virage de l’électrique et surtout d’accélérer les temps de conception des nouveaux véhicules.

Tous les nouveaux véhicules conçus par Renault, à l’image du Renault Austral, bénéficient de leur jumeau numérique sur Renaulution Virtual Twin. Celui-ci héberge des données de conception, mais aussi celles liées à la logistique, aux achats, etc.

Gilles Le Borgne raconte la genèse du projet : « Je n’en suis pas à mon premier PLM, il s’agit du troisième ! Il y a cinq ans, nous étions en fin de contrat avec Dassault Systèmes et nous étions arrivés aux limites du système. Nous avons décidé de franchir le Rubicon et d’aller vers une offre full SaaS. »

Outre les atouts intrinsèques du cloud en termes de disponibilité et de mise à jour, la simplicité d’accès à des utilisateurs répartis dans le monde entier va totalement modifier la portée du projet : « La puissance des outils actuels permet de constituer un backbone complet. L’idée était de rendre disponible au plus grand nombre des outils de conception, d’ingénierie système avec un MBSE (Model- Based Systems Engineering) et bien sûr un ALM. La plateforme dispose d’un suivi des validations assez classique, mais que nous avons étendu à l’ensemble de l’entreprise. C’est pour moi un point fondamental. »

Un bilan positif de la migration cloud

La plateforme compte aujourd’hui 5 500 utilisateurs en Corée, Inde, Roumanie, France, Amérique du sud. Les données « legacy » de 1 800 types de véhicules et 500 000 composants y sont accessibles, réunies en un point unique. « Il fallait que les équipes de procurement, de costing et de logistique puissent utiliser ces informations, précise Gilles Le Borgne. Si chacun dispose de son propre backbone, cela ne fonctionne pas, il est nécessaire d’avoir un single point of truth. »

L’élargissement de l’accès aux données produits au-delà de l’engineering n’est pas qu’une vue de l’esprit. D’ici trois ans, dans une approche d’entreprise étendue, Gilles Le Borgne espère compter 19 000 utilisateurs sur RVT. « Au lancement, j’ai considéré que le programme serait une réussite si, au bout de 18 mois, les autres fonctions faisaient la queue pour pouvoir intégrer la plateforme. Pour être honnête, cela a demandé deux ans, mais aujourd’hui j’ai tellement de demandes d’autres fonctions que nous devons prioriser. »

Dans cette logique, le SaaS résout les problèmes d’accès et de dimensionnement de la plateforme. De même, ses équipes peuvent réaliser les développements pour les nouveaux utilisateurs métiers, les tester et les mettre en ligne à l’occasion des montées de version. « Le fait d’être en full SaaS nous permet d’en proposer une tous les deux mois. Alors que les migrations des environnements PLM V5 et V6 chez Dassault Systèmes nous avaient causé un véritable enfer, maintenant je n’en entends plus parler ! », ajoute Gilles Le Borgne.

Gilles Le Borgne

CTO du groupe Renault

« La plateforme dispose d’un suivi des validations assez classique, mais que nous avons étendu à l’ensemble de l’entreprise. C’est pour moi un point fondamental. »

Le RVT ouvre la voie à l’eXtended Virtual Twin

« La clé de la diffusion de la plateforme auprès des directions en dehors de l’engineering, c’est que chaque fonction peut garder ses outils, précise le CTO. Nous venons instancier ses données sur la plateforme 3DExperience, un environnement unique de façon à ce que tous les acteurs du groupe puissent accéder à l’ensemble des données et aux modèles 3D. »

L’outil Part 360 qui fait partie de la plateforme permet de retrouver très rapidement une pièce parmi les 500 000 composants chargés dans le référentiel. Il permet même de comparer une pièce quelconque aux pièces équivalentes équipant les modèles concurrents.

Et les acheteurs, les logisticiens ou les experts du service qualité peuvent aussi accéder à toutes les informations qui leurs sont utiles sur une pièce. Appelée XVT (eXtended Virtual Twin), cette ouverture du PLM à l’ensemble de l’entreprise induit de nouvelles applications connexes comme une digital war room pour faire collaborer toutes les équipes autour d’un modèle ou pour, en cas de rupture d’approvisionnement d’une pièce, trouver une alternative auprès d’un autre fournisseur.

Autre application mise en place, Anatwin fait le lien entre les pannes remontées par les garages et d’éventuels problèmes de qualité de fabrication.

L’application eRAW, elle, calcule l’impact des variations de prix des matériaux sur le coût de revient des véhicules.

L’abolition des silos n’a a priori pas de limite puisque les données produits intéressent tout autant le marketing, le service commercial que les usines de montage avec le lien entre 3Dexperience et Delmia, l’outil dédié à la fabrication.

« L’impact principal de RVT reste encore à venir, prévient Gilles Le Borgne. Depuis quatre ans, le travail réalisé avec Luca de Meo a été de nettoyer l’organisation, d’en réduire la complexité. Le temps de conception des véhicules est passé de quatre à trois ans, les coûts de développement ont baissé de 40 %, nous avons fait un travail de fond. »

Toutes les données des véhicules de la gamme ont été importées dans le système et tous les nouveaux modèles sont désormais conçus sur la plateforme. RVT va pouvoir donner sa pleine mesure et tenir ses objectifs, à savoir 4 % puis 7 % de gains de productivité, et surtout ramener le temps de conception des véhicules à deux ans seulement. « Les Clio et les Dacia Sandero actuellement sur les routes ont été développées en quatre ans. Nous nous sommes engagés à deux années de développement seulement pour la nouvelle Twingo. »


Le Projet en Chiffres

5 500 utilisateurs de la plateforme

1 800 types de véhicules chargés dans la plateforme

500 000 composants


L’ENTREPRISE RENAULT

Activité : Constructeur automobile
Effectif : 105 500 collaborateurs dans 35 pays
CA 2023 : 52,4 Md€



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