Gouvernance

Transformation numérique de l’État : la Dinum siffle la fin de la récré

Par Thierry Derouet, publié le 10 mars 2023

Avec sa nouvelle feuille de route, la DSI de l’État (la Dinum) veut redonner du souffle au plan TECH.GOUV bien loin de ses objectifs initiaux.

Nous attendions un peu – comme le lait sur le feu – cette nouvelle feuille de route de la « DSI de l’État ». Car, qu’il s’agisse d’accessibilité numérique, de promotion des solutions open-source, du partage des données pour simplifier l’ensemble des démarches en ligne des français (mise en œuvre du principe « Dites-le-nous une fois ») grâce à l’usage d’APIs ou encore du renforcement de la sécurité de FranceConnect avec sa déclinaison « + », l’ambitieux plan de transformation initié en 2019 est tantôt à la traine, tantôt contrarié par le besoin de renforcer la sécurité.

Des dérapages constatés

La Dinum reconnait dans sa mission d’auditeur des grands projets numériques de l’État de nombreux dérapages : « une part significative des projets, et notamment les plus importants, ne respecte pas le cadrage initial, ce qui conduit à un glissement budgétaire moyen de 24 % et un glissement calendaire moyen de 26 % à fin 2022. Ces dérives sont en augmentation avec plusieurs projets de plusieurs dizaines de millons d’euros en difficulté manifeste. » Et de vouloir à l’avenir mettre un terme au « patrimoine applicatif vétuste » (design, accessibilité, sécurité, interopérabilité) où la gestion de la dette entraine aussi bien des coûts que des délais d’intervention élevés.

Pour l’État mutualiser a du bon. Le succès de FranceConnect qui simplifie l’accès aux services administratifs pour 42 millions de Français est là pour l’attester. Tout comme le déploiement massif réussit du Pass Culture.

Grincements de dents et claquement de portes

Si la mission de la Dinum est de piloter la mise en œuvre de la stratégie numérique de l’État, côté orchestration, parfois ça coince ! Et ce, au plus haut niveau de l’État. Rappelons par exemple, que la Dinum et son incubateur Beta.gouv avaient été mis sur la touche lors du développement de l’application StopCovid pour être remplacés par une multitude d’entreprises, dont Orange, Capgemini, Dassault Systèmes, Withings et Lunabee Studio.

Plus récemment, quelques claquements de portes ont été relatés par La Lettre A contre « la méthode Pezziardi », du nom du co-inventeur des start-up d’État et également à l’initiative de cette nouvelle feuille de route. Pas simple de mettre en musique tous les moyens numériques de notre pays. Cette nouvelle feuille de route serait donc la réponse.

Nouvelle feuille de route de la Dinum : une méthode pour accompagner la transformation numérique de l'État.

Nouvelle feuille de route de la Dinum : une méthode pour accompagner la transformation numérique de l’État.

Quand la transformation numérique coince

Présentée par sa nouvelle directrice, Stéphanie Schaer (et ancienne directrice adjointe de cabinet d’Élisabeth Borne) à l’occasion du Forum de beta.gouv.fr rassemblant les membres du réseau des incubateurs de Startups d’État, cette nouvelle « feuille » de la Dinum a déjà un goût de déjà-vu.

Intitulée « stratégie numérique au service de l’efficacité de l’action publique », cette nouvelle orientation ne revient pas sur le programme ambitieux pour accélérer la transformation numérique du service public fixé dans le cadre de TECH.GOUV et de ses 35 chantiers phares du numérique public (voir en dessous). Mais elle tente d’en préciser plutôt l’exécution.

Une méthode pour « TECH.GOUV » ?

Quatre volets sont mis en avant. L’un pour « engager une mutation profonde des organisations publiques pour initier et conduire dans la durée les projets numériques de l’État. ». Un second, « pour renforcer significativement les compétences numériques au sein de l’État ». Un troisième pour « développer l’exploitation effective des données pour un État plus efficace dans son action et plus simple vis-à-vis des citoyens, des entreprises et des agents publics. » Enfin, un quatrième volet expose comment « préserver la souveraineté numérique de l’État en investissant dans des outils numériques mutualisés ».

Des moyens renforcés pour la Dinum

Concrètement, l’État propose de changer de braquet en intégrant au sein de la Dinum — une brigade d’intervention numérique  composée de 40 nouveaux experts. Sur cette quarantaine d’embauches, une vingtaine aura la charge de recruter pour l’administration les talents tant recherchés.

La Dinum devient de facto la « DRH de la filière numérique » de l’État (portant les effectifs de la Dinum de 180 à près de 220 personnes).

Les missions de la Dinum étendues

Outre un renforcement des équipes de la Dinum, on parle dorénavant d’une réelle extension de ses missions comme la mise à disposition de produits mutualisés opérés entre les différents services de l’État. Des produits s’il le faut « incubés », aussi bien pour simplifier le travail des agents publics, que pour opérer la collecte de données de l’ensemble des administrations publiques tant espérée. Pour Stéphanie Schaer il s’agit notamment de « progresser dans le préremplissage de 250 démarches les plus utilisées ».

La mise à disposition pour l’ensemble des agents publics d’une suite collaborative Open Source souveraine comprenant une solution d’échanges de fichiers volumineux, d’un service de visio ou d’une messagerie instantanée va devoir être précisée. Cette feuille de route suggère également « qu’à terme l’ensemble des projets numériques de l’État seront conçus et opérés au même standard que ceux des acteurs privés les plus performants du numérique ». Encore faudra-t-il s’entendre sur cette définition du mot « standard ».

L’État passe en force au DevOps et au lean startup ?

Stéphanie Schaer veut également apporter de la méthode : de l’agile, du coaching, du design et de l’éco responsabilité sur tous les projets numériques de l’État… Et de vouloir privilégier « les expérimentations, les itérations, puis le passage à l’échelle » ! La valorisation de la donnée qui restera opérée par Etalab n’est pas oubliée tout comme l’utilisation de l’IA si celle-ci peut permettre de rendre plus efficace l’action publique.

Cette feuille de route sonne comme la fin de la récré. Encore faut-il que le coup de sifflet soit entendu par l’ensemble des agents publics. Mais il est grand temps que la Dinum impulse un nouvel élan dans cette transformation qui se fait attendre.

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TECH.GOUV, une feuille de route, encore bien loin de ses objectifs

Avec TECH.GOUV, l’État s’est doté en 2019 d’un « programme pour accélérer la transformation numérique du service public, piloté par la DINSIC avec l’appui de tous les ministères ». Plan initial dessiné pour 3 ans, il s’était fixé 6 enjeux prioritaires autour de la simplification, de l’inclusion, de l’attractivité, de la maîtrise, d’économies potentielles et de possibles alliances. Si « rapprocher l’administration des citoyens, des entreprises et de ses propres agents, pour mieux les servir » était l’objectif initial, le bilan est pour l’heure plus que mitigé.


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