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Pascal Murciano (TD SYNNEX) : « Élargir notre portefeuille technologique pour être présents sur toutes les innovations pertinentes »
Par Vincent Verhaeghe, publié le 17 octobre 2025
Dans un marché français ralenti par une conjoncture complexe, TD SYNNEX poursuit son développement à la fois en capitalisant sur son rôle de distributeur à grande échelle et en développant de nouveaux services et en captant de nouveaux marchés.
Entretien avec Pascal Murciano, président France et Europe du sud de TD SYNNEX
Le marché IT et le channel traversent une période délicate. Quelle est votre analyse de la situation actuelle en France ?
Nous traversons effectivement une période particulière et le marché français souffre plus que ses voisins. En Allemagne ou au Royaume-Uni, la reprise est déjà visible. En France, les budgets publics sont quasiment gelés et les appels d’offres ralentis et le contexte politique actuel n’aide clairement pas. Côté privé, les entreprises n’investissent que dans ce qui leur paraît absolument vital. Cela se traduit par le report d’éléments que nous attendions comme les renouvellements de PC liés à la fin de Windows 10 et à la fin de cycle de ceux acquis lors de la pandémie.
Cette prudence tient à la fois aux incertitudes politiques et aux contraintes budgétaires. Nous manquons de visibilité et il est probable que le marché ne retrouve une vraie dynamique qu’après l’élection présidentielle, et encore cela dépendant de qui en sortira vainqueur ! Cela dit, il faut relativiser : nous restons dans le secteur porteur des technologies, et même dans ce contexte, certains segments continuent à progresser.
Quels sont précisément ces relais de croissance ?
Trois secteurs se détachent : la cybersécurité, le cloud et l’infrastructure liée au développement de l’intelligence artificielle. Ce sont des investissements incontournables pour les entreprises. Même quand elles freinent sur d’autres postes, elles continuent de renforcer leurs défenses cyber, de migrer des applications dans le cloud et de se préparer à l’arrivée de nouveaux usages IA.
Cela ne signifie pas que nous assistons déjà à une transformation radicale : l’essentiel des projets visent encore à assurer la performance et la continuité du système d’information plutôt qu’à se réinventer de fond en comble. L’IA, par exemple, reste pour le moment un marché tiré par les hyperscalers, les grandes banques ou l’industrie pharmaceutique, mais ses applications peinent à s’inviter dans des cas concrets car il y a beaucoup d’interrogations autour du ROI que cette technologie représente.
Chez TD SYNNEX toutefois, nous l’utilisons déjà pour améliorer des processus comme l’automatisation du traitement des milliers d’emails clients ou gérer la lecture de commandes en PDF car nous en recevons encore sous cette forme. Ce sont de petites évolutions qui, mises bout à bout, changent réellement la donne en termes de productivité et d’expérience client.
Ces évolutions modifient-elles le profil de vos partenaires et la structure du channel ?
Très clairement. Aux intégrateurs traditionnels et aux revendeurs s’ajoutent aujourd’hui de nouveaux acteurs : des ISV très spécialisés, des MSP et même des sociétés de conseil qui allient expertise métier et compétences technologiques. Leur approche est différente : ils partent des besoins concrets des clients, identifient des cas d’usage, puis s’appuient sur des solutions cloud ou sur l’IA pour y répondre.
Notre rôle de distributeur consiste à repérer ces acteurs émergents, à comprendre leur valeur et à les intégrer dans notre offre. C’est une dynamique positive car elle enrichit l’écosystème. Mais cela implique aussi de revoir notre propre modèle. Le channel évolue vers une logique de consommation à l’usage et de revenus récurrents.
Pour nous, cela a entraîné une transformation profonde de nos pratiques financières et contractuelles : il faut désormais gérer des engagements pluriannuels, adapter nos conditions générales de vente, revoir nos mécanismes de financement. C’est un effort conséquent mais c’est la condition pour rester en phase avec le marché.
Comment TD SYNNEX France s’organise pour accompagner cette mutation ?
Nous suivons une feuille de route claire avec un plan stratégique sur trois ans au niveau mondial. Notre priorité est de continuer à élargir notre portefeuille technologique pour être présents sur toutes les innovations pertinentes. En parallèle, nous travaillons à mieux adresser de nouvelles catégories de clients, notamment ces MSP et ces fournisseurs émergents que j’évoquais. Enfin, nous développons notre offre de services : intégration, migration de données, formation, delivery.
Ces services existent déjà mais représentent encore une part limitée de notre activité. Nous voulons en faire un véritable relais de croissance et un levier de différenciation. Nos plateformes jouent aussi un rôle central. StreamOne, par exemple, s’est enrichit au fil des ans et est désormais un hub complet pour le cloud. Pour le développement de projets, notre Business Solutions Center à Courbevoie met à disposition des partenaires plus de 70 solutions technologiques et héberge désormais un Lab IA réalisé avec Dell et équipé de cartes Nvidia. Ces outils concrets nous permettent de montrer aux partenaires ce que les technologies peuvent apporter, et de les aider à concrétiser leurs projets plus rapidement.

Biographie
Expert-comptable de formation et titulaire d’un Executive MBA décroché à HEC, Pascal Murciano rejoint TD SYNNEX en 2000 comme directeur administratif et financier. Il prend la direction de la filiale française en 2012, qu’il conduit dans un contexte de forte évolution technologique. Son parcours se poursuit à l’échelle internationale lorsqu’il prend la tête de l’Europe du Sud, coordonnant stratégie et développement sur plusieurs marchés clés. Président France et Europe du sud de TD SYNNEX depuis avril 2023, il s’impose comme une figure centrale de la distribution IT en Europe.
Vous êtes à l’initiative de la création d’une commission Distribution au sein d’Eurocloud. Quel en est l’objectif ?
En France, une part trop importante du business cloud reste encore gérée en direct par les fournisseurs. Dans d’autres pays, comme l’Italie, près de 100 % du marché transite par la distribution. Ici, à peine 60 à 65 % passent par le channel. C’est ce déséquilibre que nous voulons corriger. En rejoignant Eurocloud et en y créant une commission dédiée à la distribution, notre objectif est de mettre en valeur le rôle des distributeurs, de convaincre davantage de cloud providers de travailler avec le channel et de démontrer la valeur ajoutée que nous apportons.
En France, une part trop importante du business cloud reste encore gérée en direct par les fournisseurs
Nous allons produire des analyses, des études et des livres blancs pour sensibiliser les acteurs du marché, mais aussi pour faire évoluer les pratiques. La commission se veut un lieu de dialogue, où hyperscalers, CSP, ISV, MSP et distributeurs peuvent échanger sur le Cloud et ses enjeux. Et notre rôle, en tant que président de cette commission, est de porter haut la voix de la distribution dans un environnement encore dominé par le direct.5 000 revendeurs actifs en France. C’est le reflet d’une certaine concentration mais aussi d’une diversification des activités des partenaires.
La responsabilité sociétale et environnementale prend de plus en plus d’importance. Comment TD SYNNEX France agit concrètement sur ce terrain ?
PM : Quand nous savons que l’empreinte carbone du numérique croît de 9% par an, la RSE n’est plus une option : et c’est un pilier de notre stratégie, un sujet qui traverse toutes nos décisions. Nous avons structuré notre action autour de trois grands axes complémentaires. Le premier concerne l’environnement et le climat : nous travaillons à réduire notre consommation énergétique et nos déchets, et nous collaborons étroitement avec nos transporteurs pour les inciter à investir dans des flottes plus écoresponsables, contribuant ainsi à décarboner nos chaînes logistiques.
Le deuxième axe est celui du Green IT. À travers notre programme TD SYNNEX Renew, nous offrons la possibilité à nos partenaires et clients de donner une seconde vie à leurs équipements grâce à la reprise, au reconditionnement ou au recyclage. Nous identifions également, en lien avec nos fournisseurs, des produits à moindre impact environnemental, que nous mettons en avant sur notre plateforme de commerce InTouch via un label spécifique. Nous proposons aussi un outil qui permet à nos clients d’évaluer l’empreinte carbone de leurs commandes et de mieux orienter leurs choix.
Enfin, le troisième axe est sociétal : nous favorisons en interne l’égalité, la diversité et l’inclusion, et nous soutenons différentes initiatives solidaires dans les domaines de la santé et de l’éducation. Tout cela n’est pas accessoire. En tant que distributeur IT, nous sommes au carrefour de milliers de flux, de technologies et de relations, et cette position particulière nous confère une responsabilité. Nous voulons l’assumer pleinement en générant un impact positif et durable, au-delà de la seule performance économique.
Pour conclure, quel message souhaitez-vous adresser directement aux revendeurs et aux MSP qui composent votre écosystème ?
R : Je leur dirais d’abord de ne pas se laisser décourager par la conjoncture. Oui, le contexte économique est contraint, mais les opportunités existent bel et bien. La cybersécurité, le cloud et l’IA représentent des relais de croissance considérables. Notre rôle est d’être à leurs côtés pour les aider à les saisir. Cela signifie leur fournir le portefeuille technologique le plus large, les accompagner sur le plan financier, leur offrir des plateformes performantes et un support opérationnel solide.
Plus que jamais, TD SYNNEX France veut être le partenaire de référence des revendeurs et des MSP. Et nous allons à leur rencontre au travers des évènements que nous organisons toute l’année, mais aussi grâce à notre présence sur le salon IT Partners qui est un rendez-vous essentiel.
Propos recueillis par VINCENT VERHAEGHE