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Freelances : il reste des profils gagnants en temps de crise
Par Xavier Biseul, publié le 22 octobre 2025
Comme les ESN, les indépendants de la tech subissent le retournement de conjoncture alors que les directions achats durcissent leur politique de référencement. Les profils expérimentés, positionnés sur les segments porteurs de l’IA, du cloud ou de la cybersécurité, tirent néanmoins leur épingle du jeu. Mais d’autres sont contraints de redevenir salariés.
La parenthèse enchantée de l’ère post-Covid est définitivement refermée. À la sortie de la crise sanitaire, les freelances ont bénéficié à plein de l’effet de rattrapage. Sursollicités, les indépendants pouvaient gonfler le fameux TJM (Taux journalier moyen), et imposer leurs conditions aux DSI, y compris pour passer en « full remote ». Les périodes de confinement avaient d’ailleurs incité nombre de professionnels à sauter le pas du freelancing pour gagner en autonomie et s’assurer un meilleur équilibre vie personnelle- vie professionnelle. Un désir d’indépendance amplifié par la quête de sens chère aux jeunes actifs des générations Z et Y.
Las, le retournement de conjoncture, intervenu courant 2024, a changé la donne. Comme les ESN, les freelances subissent le climat d’incertitude dans le contexte économique et géopolitique actuel selon les dirigeants des plateformes d’intermédiation que nous avons interrogés. Anthony Bergès, deputy CEO de Freelance.com, note un ralentissement, un report voire un gel des projets. « Les DSI changent leurs priorités et mettent l’accent sur les applicatifs, de type ERP, et les infrastructures qui doivent tourner dans tous les cas ».
« Premiers à sauter »
« Les prestataires sont les premiers à sauter quand les projets s’arrêtent, confirme Melchior du Boullay, directeur général de Mindquest. En même temps, c’est sur les ressources externes que les entreprises s’appuient pour pallier un problème de capacité ou combler un déficit de compétences, faute de pouvoir recruter. »
Melchior du Boullay
Directeur général de Mindquest
« Pour un freelance en poste, ce n’est pas le moment de renégocier son contrat, sauf si vous êtes un élément clé du projet. »
Fondateur et CEO de la plateforme Le Hibou, Christophe de Becdelievre note, comme à chaque période de crise, une reprise de pouvoir des directions achats qui renégocient les tarifs et durcissent leurs politiques de référencement. « Dans une logique de rationalisation et afin de réaliser des économies d’échelle, elles proposent certes plus de volumes, mais à moins de prestataires. »
Travaillant essentiellement avec de grands comptes comme BNP Paribas, L’Oréal, Axa ou Renault, Le Hibou se targue d’avoir la taille critique suffisante. « Les grands groupes sont plus attentistes, mais continuent à investir. La transformation digitale est vitale pour eux, ils préférèrent couper sur la communication et le marketing. »
Selon Christophe de Becdelievre, les premières victimes de la période de vaches maigres sont les freelances positionnés sur le conseil en stratégie ou le conseil en organisation.

Melchior du Boullay note, lui, une forte baisse du développement qui ne représente plus que 7 % de son chiffre d’affaires, contre 12 % par le passé. « Les développeurs sont impactés par la conjoncture économique, mais aussi par les apports de l’IA dans la génération automatique de code. Des équipes ont été divisées par deux ou trois ».
Selon lui, les « bons » développeurs s’en sortent toujours, tandis que les autres se positionnent sur d’autres métiers. « Au sein d’une dev factory, les spécialistes de la qualité, de l’automatisation des tests restent demandés », tempère-t-il.
Chief technology officer chez Malt, Claire Lebarz note, pour sa part, que les développeurs full stack tirent mieux leur épingle du jeu. « Les entreprises recherchent des multi-spécialistes, capables d’intervenir sur toute la chaîne de développement, aussi bien sur le front-end que sur le back-end. »
La trilogie IA/data, cloud et cybersécurité
Tous les freelances ne sont évidemment pas logés à la même enseigne. Dans sa dernière étude « Tech Trends », Malt, le leader du secteur – un quart de ses 800 000 freelances évoluent dans la tech –, a cartographié les profils gagnants de la période. Sans surprise, on les retrouve sur les segments porteurs de l’IA/data, du cloud et de la cybersécurité.
Les projets liés à l’IA ont ainsi bondi de 170 % en un an, et la demande en freelances spécialisés IA suit quasiment le même rythme (+160 %). Ces ingénieurs IA facturent en moyenne 22 % de plus par jour que les autres freelances tech. Les demandes en compétences plus spécifiquement liées aux grands modèles de langage (LLM) ont été multipliées par cinq, avec une envolée de 413 % pour les spécialistes des modèles du leader OpenAI.
L’essor de l’IA coïncide avec un retour en force du low-code/ no-code qui permet de démocratiser l’accès à l’IA en entreprise en l’embarquant dans les applications métiers ou les workflows. La demande pour ce type de projet a augmenté de 40 % en 2024. La popularité de certaines plateformes comme n8n (+126 %), Make (+118 %) ou Flutterflow (+274 %) explose. « Cet engouement pour le low-code / no-code ne concerne pas que les profils tech, il profite aussi aux experts fonctionnels », précise Claire Lebarz.
Autre priorité, les projets liés à la cybersécurité ont progressé de 35 % l’an dernier. « Avec le développement de l’IA, le sujet intervient de plus en plus en amont des projets », poursuit Claire Lebarz. La cybersécurité ne constitue plus une couche isolée, mais fait partie intégrante de l’architecture technique. Les experts de l’audit, de la conformité et de la gouvernance des risques profitent de cette tendance.
Claire Lebarz
Chief technology officer chez Malt
« Avec le développement de l’IA, le sujet de la cybersécurité intervient de plus en plus en amont des projets. »
L’enjeu de souveraineté dope l’open source
La récente prise en compte de l’enjeu de souveraineté profite également aux solutions souveraines, en particulier dans le cloud. « Si AWS, Microsoft Azure et Google Cloud restent leaders, la demande pour Scaleway a doublé », note Claire Lebarz. Elle y voit le résultat des investissements dans l’IA du provider français, filiale du groupe Iliad. Dans la même volonté de réduire le risque de dépendance technologique, les outils open source comme Metabase pour interroger les données (+35 %), et les LLM open source ou open weight tels que ceux de Mistral AI (demande multipliée par huit), connaissent une croissance rapide.
Par ailleurs, Claire Lebarz rappelle que si l’on pense spontanément développeurs et ingénieurs, les freelances ne sont pas que des exécutants. « Des directeurs de la data et des CTO en intérim ou des managers de transition connaissent une demande soutenue. C’est une tendance de fond depuis la crise Covid. »
En revanche, la forte médiatisation autour des politiques de numérique responsable, visant à réduire l’empreinte carbone, n’a pas entraîné de hausse significative des demandes en matière de compétences green tech. Doit-on en déduire que ces initiatives relèvent pour partie du green washing ?
À côté des technologies innovantes qui font le buzz, Anthony Bergès rappelle aussi que « le marché connaît toujours des tensions sur les technologies anciennes, comme le Cobol ou l’AS/400, délaissées par les prestataires traditionnels. »
Les plateformes d’intermédiation notent également une demande soutenue pour les projets de migration vers SAP S/4HANA, certaines entreprises, notamment dans l’industrie, accusant un retard sur leur feuille de route.
Prime à l’expertise
Au-delà du positionnement sur les technologies porteuses, d’autres éléments entrent en jeu dans le choix des indépendants. La période actuelle favorise ceux qui peuvent justifier d’un long parcours professionnel. « Le nombre de missions étant moindre, il y une prime aux freelances à l’expérience éprouvée, avec au moins sept ans d’ancienneté », juge Anthony Bergès.
« Les entreprises veulent des freelances “plug and play”, immédiatement opérationnels », abonde Christophe de Becdelievre.
Christophe de Becdelievre
Fondateur de LeHibou
« Les entreprises veulent des freelances “plug and play”, immédiatement opérationnels. »
A contrario, le contexte n’est pas favorable aux jeunes diplômés et débutants qui souhaiteraient démarrer leur carrière par une expérience de freelancing. « Dans la cybersécurité, 90 % des freelances ont plus de 15 ans d’expérience, et dans l’ingénierie cloud c’est 52 % », rappelle Claire Lebarz. Une exception : l’IA. « Les jeunes diplômés et les profils juniors sont jugés plus à même de maîtriser les dernières technologies en date », poursuit-elle.
Il ne suffit pas d’avoir de l’expérience, il faut le faire savoir. Tous les experts insistent sur l’importance de bien préparer l’entretien client, les plateformes se proposant même d’entraîner leurs membres à cet exercice délicat via des sessions de coaching. « L’entretien permet au freelance de justifier sa compréhension des enjeux client en mettant en avant, par des éléments factuels, l’expérience acquise lors des précédentes missions, explique Melchior du Boullay. Le client a besoin d’être rassuré et augmente le nombre d’entretiens. Pour une mission donnée, nous sommes en moyenne à 2,1 entretiens contre 1,2 il y a deux ans. »
« La différence se joue à très peu de choses, analyse pour sa part Anthony Bergès. À compétences égales, l’entreprise retiendra le freelance avec qui elle a eu le meilleur “fit”. »
Il conseille, pour cela, aux indépendants de bien écouter le brief client et de lui apporter des réponses courtes et structurées. « Le freelance doit adopter une posture apaisée, même si la raréfaction des missions génère chez lui plus de stress. »
Ne pas (trop) transiger sur son TJM
Pour apporter des garanties, Christophe de Becdelievre conseille aux freelances de mettre sur leur profil les avis et les notations laissés par leurs anciens clients. Autre élément clé à mettre en avant sur un CV : la formation. Dans l’étude de Malt, les freelances déclarent se former quatre heures par semaine, en passant à la fois par l’autoformation et les formations certifiantes. Ces dernières étant plus facilement « monétisables ». « Il faut aller vers ces formations quand la technologie fait sens et que le fournisseur a une bonne assise sur le marché », conseille Laurent Potel, CEO de Comet.

Malgré tout, la période n’est pas propice à une augmentation du TJM. « Pour un freelance en poste, ce n’est pas le moment de renégocier son contrat, sauf si vous êtes un élément clé du projet, tranche Melchior du Boullay. Les jeunes diplômés qui n’ont pas un train de vie important et sont disponibles alimentent la baisse du TJM. Ils vont, par exemple, accepter 250 € sur un projet au lieu de 300 €. »
Tandis que ses confrères jugent le TJM relativement stable, loin des folles envolées de l’ère post-Covid, Anthony Bergès évalue l’impact de la crise à 5 % de baisse au global. « C’est la loi de l’offre et de la demande. Pour une mission donnée, il y a plus de profils reçus. »
A contrario, comme les entreprises manquent de visibilité et ne sont plus capables de s’engager au-delà de six ou douze mois, le freelance peut profiter de ce raccourcissement des durées de mission pour justifier une hausse ou tout du moins un maintien du TJM.
Des plateformes incontournables
Sur ce marché du freelancing évalué, selon le cabinet d’études Xerfi, à plus de 50 Md€ avec plus d’un million de freelances actifs tous métiers confondus, les plateformes d’intermédiation s’estiment plus que jamais incontournables dans le contexte actuel. « Nous draguons la majorité des missions alors que dans les périodes fastes, les indépendants peuvent plus facilement approcher les entreprises en direct », reconnaît Melchior du Boullay.
« Il y a dix ans, les ESN et le freelancing étaient deux marchés séparés, analyse Laurent Potel. Aujourd’hui, les ESN sont nos principaux concurrents. Nos freelances sont souvent leurs anciens consultants. »
À ceci près que les plateformes n’employant pas de salariés, elles n’ont pas à gérer la problématique de l’intercontrat. Pour autant, elles entendent apporter, comme les ESN, une réponse volumique et industrielle. « Nous travaillons sur la massification de notre offre avec des centres de compétences, une assistance technique groupée (ATG), tout en proposant une approche conseil », poursuit Laurent Potel.
Les plateformes estiment prémunir également les donneurs d’ordre des risques liés à la cascade de sous-traitance comme le délit de marchandage ou le prêt de main-d’oeuvre illicite, avec une possible requalification en contrat de travail. « À la différence des ESN, nous assumons pleinement que les compétences proposées ne sont pas nos salariés », tranche Anthony Bergès.
Laurent Potel
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« Les ESN sont nos principaux concurrents. Nos freelances sont souvent leurs anciens consultants. »
Tout l’enjeu pour ces plateformes est d’attirer les « meilleurs » freelances et de les conserver. Aide au choix du statut d’entreprise, assurance responsabilité civile professionnelle, portage administratif… Elles proposent toute une panoplie de services. Alors qu’elles recourent à l’IA pour qualifier les profils, les plateformes insistent, pour justifier leur commission – en moyenne de 10 à 15 % –, sur l’importance de l’accompagnement humain. Rôle clé, le chargé de compte fait le lien entre le donneur d’ordre et l’indépendant.
Les plateformes peuvent également capitaliser sur leurs bases de données propriétaires, enrichies au fil des années, pour éclairer leurs freelances sur les tendances du marché. « Nous aiguillons nos experts vers les technologies que nous voyons émerger pour qu’ils puissent se positionner dessus », estime Laurent Potel. De son côté, Mindquest a multiplié les communautés d’experts – SAPquest, CyberQuest, InfraQuest, DevQuest – pour favoriser la veille concurrentielle et les échanges de retours d’expérience.
Le Témoin : Anthony Bergès, DGA de Freelance.com
« Une période très difficile pour les nouveaux entrants »

« Nous constatons une tension avec moins de missions à la clef », rapporte Anthony Bergès, directeur général adjoint de la plateforme freelance.com. Les répercussions, selon lui, se font plutôt ressentir sur les profils juniors. « Les freelances avec une expérience solide sur des compétences recherchées restent sélectionnés. La période est plus difficile pour les nouveaux entrants », analyse-t-il.
Même sur les profils seniors, les TJM sont négociés à la baisse, d’environ 5 %, selon cet expert du secteur.
Pour maintenir l’employabilité des profils qu’elle met en avant, freelance.com ‒ dont environ 60 % des freelances ont des profils IT ‒ multiplie les formations. « Le renouvellement des compétences est un enjeu clé de l’employabilité, or c’est très compliqué de se former soi-même en tant qu’indépendant. Nous voulons accompagner la professionnalisation des compétences pour les freelances et nous allons même l’accélérer », annonce Anthony Bergès. Ce coaching porte aussi sur les soft skills pour les entretiens. Mais face à la baisse des missions proposées par les clients, freelance.com n’a pas eu d’autre choix que celui que de réduire le nombre de profils rendus visibles.
D’une croissance à deux chiffres, la plateforme affiche aujourd’hui 6 à 7 % de progression, avec environ un cinquième des profils candidats acceptés. « Avec une base de données mal dimensionnée, nous risquons d’être déceptifs pour les indépendants. Nous favorisons donc les profils avec des compétences particulièrement demandées et plus employables. »
(Par Charlotte Mauger)
Le Témoin : Frédéric Hovart, directeur associé de l’ESN Globalis
« Les freelances nous aident à répondre rapidement aux besoins de nos clients »

« Chez Globalis, nous comptons une vingtaine de salariés et entre 30 et 40 freelances. Ce n’était pas notre stratégie initiale de faire appel à des indépendants, mais nous nous sommes adaptés à la manière de travailler des développeurs.
Ces profils nous permettent de répondre rapidement aux besoins des clients, tout en évitant le surstaffing. Nous nous intéressons au freelancing depuis 2015 et le nombre de profils auxquels nous faisons appel a beaucoup augmenté au fil des années.
Nos salariés sont envoyés sur les missions de développement long terme (pour un renforcement d’une équipe existante, pour une mission au forfait), tandis que les freelances sont le plus généralement staffés en assistance technique. Nous les sélectionnons via les réseaux sociaux et plateformes de recrutement en fonction des besoins des clients et de leur taux journalier moyen.
Un entretien téléphonique permet de valider le profil. De notre côté, nous appliquons une marge de 10 à 20 %. Nous essayons de construire avec eux une relation équilibrée : leur dire si leurs prix sont trop faibles ou trop élevés pour nous. Le marché de l’IT est compliqué en ce moment, le nombre de missions est plus faible. Ces difficultés valent aussi pour les freelances. Les indépendants avaient beaucoup augmenté leurs prix ces dernières années ‒ sans que les budgets des clients suivent cette tendance ‒ et cela nous a contraints à réduire nos marges. Nous retrouvons un peu de pouvoir de négociation avec eux aujourd’hui. »
(Par Charlotte Mauger)
3 QUESTIONS À
Thomas Bettan, Freelance expert en data et intégration de produits Microsoft, inscrit sur la plateforme freelance.com
Cela fait une dizaine d’années que vous êtes indépendant. Votre offre a-t-elle évolué ?

Au démarrage, j’avais fait le choix d’être assez généraliste. Cette situation ne me convenait pas, j’avais l’impression de faire plein de choses, mais de n’être bon nulle part. Or sur ce marché concurrentiel, l’expertise est importante pour être reconnu et se positionner sur des missions. Je suis entré dans la data par appétance et me suis spécialisé sur les technologies Microsoft. Aujourd’hui, j’ai ajouté un axe de formation en data dans mon offre de conseil.
Quelle place pour la formation quand on est freelance ?
Très importante, surtout dans mon cas où je dois suivre les évolutions de l’offre de Microsoft. Je fais partie de plusieurs communautés pour rester à jour. Plus généralement, être toujours à la page est réellement différenciant. Pour le client, les certifications sont un gage de qualité qui montrent qu’on suit les guidelines de l’éditeur.
Le durcissement du marché vous impacte-t-il ?
J’en ai des échos, mais je ne le ressens pas moi-même. Je suis expert en data, un domaine très porteur en ce moment. Ce que j’ai pu constater, c’est que beaucoup partent dans le freelancing sans beaucoup d’expérience en amont. Généralement, ces juniors se retrouvent dans des missions de longue durée et ont ensuite du mal à se vendre. En conséquence, certains baissent leurs TJM, mais s’ils ne sont pas suffisamment efficaces, cela ne vaut pas le coup pour le client. Je pense en tout cas que le marché est en train de se restructurer. CM
(Par Charlotte Mauger)
3 QUESTIONS À
Julien A., product manager IA chez HEC Paris
Comment vous êtes-vous dirigé vers l’autoentrepreneuriat ?

J’ai toujours eu envie d’être à mon compte : étudiant, je voulais toucher à tout et avoir une vision à 360° d’un projet. J’ai fait des études en design graphique, en gestion de projet web, puis j’ai appris à coder en autodidacte. À ce moment-là, j’ai été recruté dans une boîte de conseil en tant que développeur front-end / product designer. Beaucoup m’avaient conseillé de me mettre à mon compte, alors après avoir étudié le marché, je me suis lancé en 2018. Il y avait tellement de besoins sur ce créneau, on recevait des offres toutes les semaines. Il m’est arrivé d’être appelé à propos d’une mission et de me faire recruter dans la même journée.
Comment cette situation a évolué pour vous ?
En tant que consultant, on est payé pour apporter notre expertise. Mais se former et rester à jour n’est pas simple, et le monde de la tech évolue rapidement. En 2023, après cinq années de freelancing, les missions s’étaient raréfiées. J’ai appris d’autres langages pour rester dans la tendance, mais c’était trop tard. Mon profil transverse qui faisait ma force au départ, n’intéressait plus. Les mauvais choix ne pardonnent pas dans ce domaine. J’ai découvert la liberté d’être à son compte, j’ai adoré, mais je n’ai pas pu continuer.
Comment s’est passé le retour au salariat ?
L’année dernière, je me suis orienté vers le product management. Mais le marché était tendu, je cherchais en ES N, en CDI, CDD. Et finalement, le hasard a fait que j’ai pu connecter avec HEC qui cherchait un product manager IA. Mon profil collait avec le poste. Depuis, je me plais beaucoup dans mon nouveau rôle. Mais je crois que l’âge d’or de la tech est terminé, j’ai perdu tout espoir de revivre ces belles années de freelance.
(Par Charlotte Mauger)
Le Témoin : Anonyme, ancien consultant SAP, redevenu salarié dans une DSI
« Même si la rémunération n’est pas la même, le salariat offre de la stabilité »
Depuis 2008, cet expert SAP finances évolue entre salariat et freelance. « J’ai longtemps été salarié avant de me lancer en tant qu’indépendant. Cela m’a permis de prendre le recul nécessaire sur les implications ‒ notamment administratives ‒ de ce statut. Le passage n’est pas simple », insiste-t-il.
Spécialisé sur les modules SAP de gestion, d’achat et vente, une compétence particulièrement recherchée, il a pu enchaîner les missions. Pourtant, fin 2024, le consultant opère un virage non anticipé : un retour au salariat, dans une DSI où il avait commencé une mission en octobre 2023 : « Elle exprimait déjà la volonté d’internaliser certains postes. Après un an de collaboration, j’ai accepté de rejoindre l’entreprise en CDI. »
Ce choix a été motivé autant par l’alignement avec les valeurs de l’entreprise que par la qualité du management et des interactions avec les équipes métiers. « Même s’il est certain que la proposition salariale est différente, quelques compensations limitent l’écart. Surtout, le salariat m’apporte une stabilité professionnelle et personnelle à long terme », explique l’ancien indépendant.
Et aussi une solution à l’épineuse question de l’autoformation quand on est freelance : « L’évolution des versions SAP demande une progression permanente pour être à la pointe de la nouveauté. Mais cela a un coût et prend du temps. »
(Par Charlotte Mauger)
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