Data / IA
IA : quand la latence devient un signe de maturité technologique
Par La rédaction, publié le 26 décembre 2025
Plus les agents IA deviennent utiles, plus ils prennent leur temps — et c’est plutôt bon signe. Raisonnement, recherche web, édition de code, tests : la latence grimpe parce que le boulot est réellement fait, pas simulé. Pour éviter la frustration, il faut des workflows asynchrones, des notifications, et des jalons qui montrent ce que l’IA est en train de faire.
De Kun Chen, Ingénieur Principal chez Atlassian
A mesure que les agents IA deviennent plus puissants, leur temps de réponse s’allonge, un phénomène connu sous le nom de latence. Actuellement, le temps de latence des modèles de langage les plus répandus a tendance à se prolonger. Cependant, cela ne doit pas être interprété comme un retard technologique ; au contraire, cela témoigne d’une amélioration en termes de qualité et d’autonomie. L’augmentation du temps de latence révèle que l’IA passe du rôle d’assistant en temps réel à celui de coéquipier de confiance.
Le paradoxe de la latence
Au cours des cinq dernières années, chaque avancée majeure en matière d’intelligence artificielle a prolongé le temps de traitement des algorithmes, qu’il s’agisse d’exécuter un programme ou de lancer une requête de recherche. Alors que l’autocomplétion, c’est à dire la suggestion automatique de mots ou de phrases lors d’une saisie dans la barre de recherche d’un navigateur, répondait autrefois en millisecondes, aujourd’hui, les meilleurs modèles de langage peuvent prendre plusieurs minutes pour fournir des résultats.
Les promesses initiales d’« automatisation instantanée » ont mûri et se sont adaptées à des systèmes plus approfondis. Les agents modernes lisent, recherchent, éditent et s’entraînent sur de grandes bases de code ou des ensembles de données, et prennent donc plus de temps à répondre. Cela n’est pas synonyme d’inefficacité, au contraire, cela signifie que les algorithmes ont progressé, ils apprennent et recherchent mieux.
Exemples de Claude et de ChatGPT
Les modèles de langage d’Anthropic comme Claude Sonnet ont une latence plus longue. Cela découle des chaînes de raisonnement et des appels d’outils (recherche, édition, test) sur lesquels ces modèles se basent.
Les modèles d’OpenAI suivent la même évolution. Les workflows Deep Research et Agent Mode prennent désormais 5 à 30 minutes, combinant exploration web et synthétisation, tandis que des modèles de raisonnement comme o3 « réfléchissent explicitement plus longtemps » avant de répondre.
Dans les deux cas, les utilisateurs acceptent la latence car la qualité des résultats justifie l’attente.
La courbe de délégation : ce que nous déléguons et tolérons
À mesure que les agents IA progressent, les utilisateurs deviennent plus enclins à déléguer des tâches complexes et acceptent des temps d’attente plus longs pour recevoir des réponses. Ce qui avait initialement commencé comme une fonction d’autocomplétion a progressivement évolué vers des suggestions de code nécessitant plusieurs secondes, des modifications de fichiers s’étalant sur plusieurs minutes, des commandes shell, ainsi que des workflows asynchrones hébergés dans le cloud pouvant durer plusieurs dizaines de minutes.
Dans un avenir proche, il est probable que les agents IA gèrent des pipelines ou des déploiements de bout-en-bout, soit des tâches pouvant durer plusieurs heures mais qui libèreront les employés d’une supervision manuelle. La progression des agents IA nous rend plus tolérants face à la latence, mais seulement si le résultat en vaut la peine.
Concevoir à l’ère des agents “lents”
Pour les programmeurs, le défi ne se limite pas à réduire le temps de latence, mais aussi à construire autour de celui-ci. Une façon d’y parvenir consiste à configurer les workflows des agents pour qu’ils soient asynchrones par défaut, permettant ainsi aux utilisateurs de déléguer des tâches aux agents et d’être alertés par une notification dès que les résultats sont disponibles.
Dans le cas d’un agent IA chargé de gérer le processus de création d’application, ce dernier analyse les tâches en cours, génère du code et soumet des requêtes de modification, tout en sollicitant systématiquement l’approbation d’un superviseur humain pour achever sa tâche. De cette manière, les développeurs peuvent spécifier les moments où l’agent doit recevoir leurs instructions. Bien que ce processus soit plus long, il assure une meilleure fiabilité et une plus grande précision.
Concevoir en tenant compte de la latence signifie également offrir aux utilisateurs la possibilité de contrôler en profondeur et facilement les processus, via des curseurs d’effort ou des modes spéciaux. Pour cela, il est essentiel d’afficher des jalons visibles lors des exécutions longues afin de maintenir la confiance et d’assurer la transparence du processus.
La vitesse n’est plus le critère principal en intelligence artificielle. Au contraire, la confiance, l’autonomie, la transparence et les résultats sont devenus plus importants. Le buzz médiatique promettait autrefois une IA instantanée et presque magique, mais la véritable victoire vient de la confiance gagnée au fil du temps. Les systèmes gagnants ne seront peut-être pas les plus rapides, mais ceux qui aideront les équipes à prendre de meilleures décisions en faisant de la latence un investissement rentable plutôt qu’un facteur irritant lors du parcours des utilisateurs.
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