Green IT

Le dur métier des DSI de « smart city »

Par Marie Varandat, publié le 09 juillet 2020

Mobilité durable, sécurité, dématérialisation, pollution de l’air, gestion des déchets… Sujet vaste, la smart city impose aux DSI de faire feu de tout bois pour répondre aux enjeux technologiques et écologiques de ces villes plus « intelligentes ». Tour d’horizon à l’occasion d’une table ronde organisée par le Club de la Presse informatique B2B.

Par Marie Varandat

 « Une ville intelligente se définit par son utilité sociale, environnementale et économique. Toutes les villes qui ont été créées de toutes pièces sur une vision technologique ont été des échecs », prévient Abdel El Bachtany, directeur avant-vente Europe du Sud chez Ivanti. Et de citer les exemples de la ville de Songdo en Corée qui n’a pas connu le succès espéré ou encore le projet très controversé Quayside de quartier futuriste à Toronto, développé et finalement abandonné par Google.

Abondance de sujets à traiter

Abdel El Bachtany, directeur avant-vente Europe du Sud chez Ivanti

Pourtant, sur le papier, Google avait mis sur pied un beau projet d’urbanisme, doublé d’une couche numérique qui exploitait toutes sortes d’IA pour optimiser la gestion des services proposés par le quartier. Sauf que ce projet tout droit sorti des laboratoires de sa filiale Sidewalk Labs ne tenait pas réellement compte des attentes des usagers de la ville. Or, comme le souligne Cyril Yver, directeur du numérique à Nîmes Métropole, « la smart city est un projet de co-construction avec les citoyens. Nous, DSI, essayons de répondre aux besoins des clients et les usagers de la ville sont nos clients. D’ailleurs, nous avons mis en place un CRM dans le cadre de notre projet ».

Pour le directeur du numérique de Nîmes Métropole, cette co-construction passe par la mise en œuvre d’outils digitaux, volet essentiel d’un projet de ville intelligente pour permettre aux usagers de participer à cette co-construction. Et d’ajouter : « Le champ d’action de la smart city est extrêmement large. Il faut définir des priorités. Aujourd’hui, nous travaillons sur plusieurs axes, dont celui de la sécurité, thématique sur laquelle nous sommes très attendus par nos clients. Sécurité des biens et des personnes, mais aussi sécurité en cas de catastrophe naturelle, notre territoire étant soumis aux risques d’inondation et de feux. Parallèlement, nous contribuons au développement de l’attractivité du territoire en développant de nouveaux services et surtout en déployant la fibre partout, critère particulièrement important pour attirer des entreprises ».

Une urbanisation galopante nécessitant toujours plus de services

Cyril Yver, directeur du numérique à Nîmes Métropole

Dotée de son propre cloud privé qui propose des services aux 39 communes du territoire, la DSI de Cyril Yver se considère comme une petite ESN, susceptible d’apporter des conseils, mais aussi des solutions clefs en main à l’ensemble des usagers de la Métropole. Parmi les solutions mises en œuvre, elle compte aussi des applications qui concourent au bien-vivre sur le territoire : « La sécurité en fait partie, mais ce n’est pas notre seule mission. Nous travaillons sur des solutions de mobilité durable, pour mesurer la qualité de l’air ou encore sur l’amélioration de la gestion des déchets, le tout en optimisant l’efficience des services publics, la notion économique restant un des grands enjeux de tout ce que nous mettons en œuvre ».

Pour mémoire, moins d’un tiers de la population mondiale (29%) était urbain en 1950. Un peu plus de 50 ans plus tard, en 2014, ce taux avait atteint les 50% avec près de 500 millions de personnes qui vivaient déjà dans 28 mégapoles de plus de 10 millions d’habitants. Selon l’ONU, la tendance va encore s’accélérer avec plus de 60% de la population qui sera urbaine d’ici 2030. Autant dire que la métropole de Nîmes n’est pas la seule à chercher des solutions dans le numérique pour relever les défis de cette ruée vers la ville.

Des postes de pilotage centralisés pour décloisonner la donnée

Anna Centeno, responsable Innovation Hub chez Oracle

À la déjà très grande variété des missions, les DSI des smart cities doivent également ajouter des chantiers similaires à ceux des entreprises privées. Le premier concerne directement le décloisonnement des données.

Pour renforcer son dispositif de sécurité, mais aussi mettre en l’emphase sur la gestion des espaces publics, la ville de Marseille s’est ainsi attelée à la mise en œuvre d’une plate-forme unique pour centraliser ses données, en appui sur les technologies d’Oracle. « Marseille est une ville pionnière dans la smart sécurité avec un système de vidéo surveillance de 1300 caméras, rappelle Anna Centeno, responsable Innovation Hub chez Oracle. La ville a aussi choisi d’optimiser la gestion de l’espace public au regard des événements qui interviennent sur le territoire. Pour y parvenir, elle confronte plusieurs sources de données provenant de ses services, mais aussi de la police municipale, des organismes culturels, etc. Elles sont centralisées sur une plate-forme unique et permettent par exemple de voir qu’une manifestation passe à côté d’un chantier ou encore d’optimiser la circulation en fonction d’un concert ou d’un match de football ». Boostée à l’IA, cette plate-forme est régie par des règles de respect de la conformité, compatibles RGPD.

Alexandre Ryckman, Engagement Manager Connected Territories – Smart City chez Capgemini

Accompagnée par Capgemini, la métropole Dijon a également entamé un vaste chantier de centralisation des données. Le projet se concrétise par un poste de pilotage central connecté qui reçoit les données en provenance des sources IOT, du système d’information de la ville, de l’open data, etc. « Ce système est conçu comme une sorte de surcouche qui permet de se représenter ce qui se passe dans la ville en temps réel. L’objectif est d’avoir une vue à 360° avec des gens qui surveillent en 24/7 cette arrivée d’informations en temps réel ou de manière planifiée et qui réagissent en fonction des situations selon des procédures préétablies. À terme, l’introduction de l’IA devrait les aider dans cette gestion », explique Alexandre Ryckman, Engagement Manager Connected Territories – Smart City chez Capgemini.

Des préoccupations énergétiques à intégrer

Foncièrement écologique, la smart city utilise aussi les technologies pour rationaliser l’usage des   ressources. Dans cette perspective, elle investit les domaines du BIM (Building Information Modeling) et des smartgrid (ajustement de la production énergétique à la consommation réelle des citoyens) avec des plates-formes encore en devenir qui nécessiteront de grandes capacités d’analyse et de calcul.

On compte déjà quelques expériences dans ce domaine en France, mais aussi à l’étranger, notamment à Vienne avec un projet de nouveau quartier où la question énergétique est centrale. Fruit d’un partenariat entre Siemens, un promoteur immobilier, Teradata, des entreprises spécialisées dans l’énergie et la ville, ce quartier baptisé Aspern est une sorte de laboratoire grandeur nature ayant pour objectif de contribuer à la rédaction des GES par une meilleure gestion des énergies. Il vient d’entrer dans la seconde phase de son développement avec la mise en place d’un système de collecte et d’analyse des données de consommations émises par les « smart bâtiments » et le mobilier urbain.

Fabien Gautier, directeur Business Development et marketing chez Equinix

« Beaucoup de ces projets s’appuient sur les jumeaux numériques pour modéliser des flux ou encore l’impact d’un événement sur l’espace public », rappelle Fabien Gautier, directeur Business Development et marketing chez Equinix.

« Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui on n’envisage plus le moindre aménagement urbain ou travaux de génie civil sans avoir une charte « smart » qui permette d’aller connecter les candélabres, les caméras, etc., explique Cyril Yver. Nous avons partagé avec les maîtres d’ouvrage du territoire un ensemble de bonnes pratiques et surtout créé les conditions qui nous permettent aujourd’hui de renforcer notre démarche ». Par conditions, le directeur du numérique de Nîmes Métropole entend un certain nombre de prérequis, comme une couverture réseau adaptée aux besoins des citoyens, des entreprises mais aussi des objets connectés, une couche SDN avec un réseau multiservice virtualisé, un datacenter de proximité parfaitement sécurisé et un socle technologique qui s’adapte à cette foison de chantiers. « Dès 2003, nous avons réfléchi à un socle capable de s’inscrire dans la durée. Il devait être avant tout sécurisé et garantir la confidentialité. Il devait aussi être évolutif, reproductible et le plus résilient possible, afin de nous permettre de faire face à toutes sortes de crises, comme celle que nous venons de vivre avec la pandémie. C’est en réunissant l’ensemble de ces conditions que nous avons pu construire des bases solides qui nous permettent aujourd’hui de multiplier les projets dans les nombreux domaines qui relèvent de la responsabilité de la ville », conclut Cyril Yver.


 

Retrouvez sur ITforBusiness.fr, notre série « RSE & GREEN IT » :

Episode 1 : Mesurer l’empreinte environnementale du numérique
Episode 2 : Une IT plus responsable grâce à l’écoconception
Episode 3 : Embarquer les utilisateurs dans une démarche Green IT
Episode 4 : Green IT, une source d’économies et d’innovation
Episode 5 : Stratégie GreenIT : Bien peser le choix du matériel
Episode 6 : Maîtriser la fin de vie de son matériel IT
Episode 7 : La société de la Tour Eiffel fait confiance à Sextant pour optimiser son efficacité énergétique
Episode 8 : 25 mesures sénatoriales pour une société numérique plus verte

 

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