

Gouvernance
Office Souverain
Par La rédaction, publié le 18 juillet 2025
Office 365 tourne sans accroc, personne ne râle ; voilà le piège. Briser ce ronron avec une suite libre hébergée en Europe, c’est reprendre la main. Dépendre de Microsoft, c’est facile ; s’en libérer, c’est stratégique. L’alternative open source sur un hébergement souverain devient votre assurance-vie numérique.
Parole de DSI / Par Thomas Chejfec, Directeur des systèmes d’information
Pendant des années, nous avons construit des DSI solides. Pas toujours modernes, pas toujours sexy, mais solides. Et dans cette construction, un outil a tout capté : Office 365. La suite Microsoft a colonisé les usages, les réflexes, les échanges, les formats. Elle est partout. Dans nos mails, nos réunions, nos documents. Elle a avalé nos disques durs, nos salles de réunion, nos notes, nos pensées. Et avec elle, ce qu’on croyait maîtriser : nos propres données.
Ne soyons pas hypocrites. C’est efficace. Fluide. Intégré. Microsoft a compris avant tout le monde que ce qui bloquait l’entreprise, ce n’était pas la technologie, c’était l’expérience. En nous livrant une suite cohérente, connectée, toujours disponible, l’éditeur de Redmond a fait ce que peu ont su faire : il nous a offert du confort. Et le piège s’est refermé.
Car à force de confondre confort et liberté, nous avons tout délégué. Nos outils, nos échanges, nos process… et notre autonomie. Aujourd’hui, une très grande majorité d’entreprises françaises – y compris publiques – sont dans une situation de dépendance massive à Microsoft. Pourquoi ? Parce que tout fonctionne. Parce que personne ne râle. Parce que ça évite de se poser des questions.
Mais moi, je veux la poser, la question. Pas pour jouer au rebelle. Pas pour le plaisir de l’alternative. Je la pose parce que le numérique n’est pas neutre. Il est géopolitique. Il est stratégique. Il est culturel. Et derrière chaque outil que nous adoptons, il y a une logique, une loi, une main invisible. Aujourd’hui, Microsoft vend une solution. Demain, elle pourrait ne fonctionner que sous conditions. Et après-demain, un pays étranger pourrait réclamer le blocage de son accès. Tout est déjà prévu. Ça s’appelle le Cloud Act. Et ça ne dépend pas de nous.
Bien sûr, certains diront « oui, mais ça coûte cher… ». Oui, cela coûte de l’argent de ne pas dépendre. Et non, ce n’est pas hors de portée. Prenons une entreprise de 1 000 collaborateurs. Avec Office 365, à 22 € par mois par utilisateur, faites le calcul : 264 k€ par an. Ajoutez quelques licences additionnelles, des options de sécurité, du support étendu… et vous dépassez allègrement les 300 k€. Sur cinq ans : 1,5 M€. Sur un budget DSI de 3 à 4 M€ par an, ce n’est pas un gouffre. Mais ce n’est pas anodin. C’est surtout un montant captif. Incompressible. Non négociable. Et croissant.
Migrer vers une alternative open source souveraine sérieuse – avec hébergement européen, coédition en ligne, messagerie, drive collaboratif – demande un effort. Un vrai. Comptez 150 k€ de projet initial : cadrage, préparation, formation, conduite du changement. Puis chaque année, environ 150 k€ pour l’hébergement, l’administration, le support, la supervision, les backups, la scalabilité. Soit 900 k€ sur cinq ans. On économise donc 600 k€. Ce n’est pas rien. Mais encore une fois, le sujet n’est pas là. Le vrai coût sera ailleurs. C’est celui de l’énergie qu’il va falloir mettre pour casser des habitudes. Pour transformer des réflexes. Pour rassurer des équipes. Migrer vers un autre environnement bureautique, ce n’est pas seulement changer de logiciel. C’est changer de culture. C’est remettre en cause des années de glissements progressifs, où les outils ont fini par penser à notre place.
Vous voyez l’utilisateur type ? Celui qui ouvre Word le matin sans même s’en rendre compte ? Celui qui ne sait pas qu’il utilise OneDrive ? Celui qui pense que Teams est « l’endroit où tout le monde parle » ? Lui, vous allez devoir le regarder dans les yeux et lui dire : « On change. Pour de bonnes raisons. » Pas pour économiser. Pas pour faire plaisir à l’IT. Mais pour reprendre la main. Il va râler. Il va dire que c’était mieux avant. Il aura raison.
Avant, c’était plus simple. Mais plus simple ne veut pas dire meilleur. Plus simple ne veut pas dire plus juste. Et surtout : plus simple ne veut pas dire plus libre. « Oui, mais mes clients, mes partenaires, ils sont sur Office aussi… » C’est vrai. Et ils le resteront. Mais il y a une différence entre pouvoir travailler avec eux et devoir travailler comme eux. Une suite bureautique libre, bien configurée, bien pensée, sait lire, produire, envoyer et recevoir des documents dans les formats standards. Elle sait coéditer, partager, faire de la visio. Ce n’est pas une régression. C’est une autre voie.
Et puis soyons honnêtes : nous avons accepté bien pire sans broncher. Des ERP où il faut dix clics pour sortir une facture. Des CRM que personne n’utilise. Des portails RH où même le service RH se perd. Là, on parle d’un projet rationnel, piloté, documenté, réversible. Ce n’est pas une lubie. C’est un choix.
La souveraineté, ce n’est pas un logo bleu-blanc-rouge sur une interface. C’est la capacité d’une entreprise à décider, à modifier, à protéger, à auditer, à évoluer. C’est le droit d’héberger, de tracer, de comprendre. Et c’est le refus d’être captif.
Alors oui, on peut continuer à payer Microsoft. On peut se dire que c’est le prix de la paix numérique. Mais alors, qu’on l’assume. Qu’on dise clairement : « Nous renonçons à une partie de notre liberté pour acheter un peu de facilité. »
Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit.
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